« Ce qui est certain, c’est que le temps est long, dans ces conditions, et nous pousse à le meubler d’agissements qui, comment dire, qui peuvent à première vue paraître raisonnables, mais dont nous avons l’habitude. Tu me diras que c’est pour empêcher notre raison de sombrer. C’est une affaire entendue. Mais n’erre-t-elle pas déjà dans la nuit permanente des grands fonds. »
Samuel Beckett, En attendant Godot
L’œuvre présentée ici se trouve à la frontière du travail documentaire et de la photographie plasticienne. J'ai partagé la vie d'Amandine à l'automne 2019. Installée au cœur de la Brocéliande depuis presque cinq ans, Elle y développe seule une culture d'aromates et d'épices au sein d'une petite exploitation agricole. Cette année-là, la safranière souffre d’un retard à la floraison. La cueillette qui reste un travail exclusivement manuel ne peut se faire. S’installe alors l’attente et l’incertitude. L’avenir qui semblait assuré et programmé à mon arrivée ne s'est pas présenté. Pendant ces jours d'attente je me suis questionnée sur cette nature domestiquée où L’humain a en vain tenté de maîtriser en organisant les sols et les récoltes, se voit aujourd'hui désœuvré. Nous devions attendre. Cette floraison qui ne vient pas crépuscule après crépuscule nous oblige à accepter de ne jouer le rôle de contemplatrices dans cette cohabitation avec l’environnement. L’atmosphère d'incertitude qui régnait alors, m'évoquait cette scène d’ouverture crépusculaire de la célèbre pièce de Samuel Beckett, où deux comparses se retrouvent la nuit tombante sur un chemin de campagne pour y un attendre Godot.